Tout le monde a l'air de penser que monter dans l'échelle sociale est une aventure magnifique, une façon de réussir sa vie. Tout le monde a l'air de penser qu'on vit mieux en haut qu'en bas. Tous ça n'est pas aussi évident.
A changer de milieu social on risque de perdre plus que ce qu'on gagne. D'abord, on perd le contact avec sa famille, ses amis, et ce sans retour possible. C'est mon cas, c'est aussi celui d'une cousine qui a fait une carrière de fonctionnaire dans les institutions européennes. Elle a un appartement à Bruxelles et autre à Amman en Jordanie. Mais elle a coupé les ponts avec sa famille. Ensuite, on n'est pas attendu ni accueilli à bras ouvert dans la sphère sociale à laquelle on accède. C'est même très dur quand on ne connait pas les codes ...
C'est pour ça que je ne milite plus depuis longtemps pour l'égalité des chances, ce miroir aux alouettes, mais pour une réduction des inégalités économiques réelles entre les plus riches et les plus pauvres. Et ça ça ne se fait que sous la menace, comme pendant les 30 glorieuses quand on craignait la contagion communiste ...
Merci d'avoir expliqué ton "je ne sais pas si j'y ai gagné grand chose" de ton précédent post.
J'étais perplexe.
Sur ce que tu dis ici, je ne sais pas si nos visions du monde peuvent se rejoindre par le dialogue.
Ma vision est plus pragmatique, je crois : le monde est ainsi fait que les jobs du "dessus" (disons de cadre pour simplifier) vont de pair avec non seulement un meilleur revenu, mais surtout bien moins de précarité, et enfin bien plus d'opportunités de progression et de variété dans ce qu'on fait.
Et avec la moindre précarité, la variété des expériences et les meilleurs revenus, une plus grande liberté d'envoyer chier son patron le jour où il passe les bornes, donc concrêtement moins de patrons qui passent les bornes.
Tout ceci, pour moi, est sans prix.
L'idée que certains de mes concitoyens vont bosser 40 ans de leur vie dans le même job ou le même type de job, à l'usine ou dans un bureau, sans espoir d'y échapper, et à la merci d'un petit chef crétin ou d'un actionnaire gourmand, je ne sais pas comment font les gens.
Et je ne parle même pas des agriculteurs ou éleveurs, qui gagnent une misère dans une précarité et une solitude épouvantable pour un métier désormais totalement méprisé par le reste de la population (sauf pendant la dfiffusion de "l'amour est dans le pré", et encore).
Et donc en toute honnêteté, je suis content de gagner très bien ma vie, mais même si Mélanchon arrivait à ses fins et que tout le monde avait le même salaire, je préfère quand même mon boulot et ma situation à celle d'un travailleur à la chaine ou d'une caissière ou d'une assistante adminsitrative / comptable.
Si tu me dis que le fait que ces jobs existent encore est un scandale, qu'il faut tout refoutre à plat, et trouver un moyen de donner à tous un emploi valorisant et valorisé, excitant, dans une grande liberté de choix et de changement d'avis, je vais avoir du mal à ne pas être d'accord, c'est sûr, mais bon j'ai l'impression que ce n'est pas pour demain non plus.
Et en attendant d'avoir tout refoutu à plat et refondé la société sur des bases nouvelles, bonne chance à tous moi je ne verrai pas ça de mon vivant, je vois mal pourquoi quiconque choisirait consciemment d'être du côté des moutons interchangeables plutôt que d'être du côté du manche.
Monter dans l'échelle sociale ne résoud pas tout, mais ça simplifie quand même énormément les choses, et ça donne plein d'opportunités.
Et puis bon, ma famille, hein, moins je la vois...