mescalero
Marraine : Isabelle183
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« le: 01-11-2011, 22:30 » |
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Texte publié en 2000, mais je trouve qu'il est encore d'actualité.
L'entreprise est-elle démocratique ?
C'est une question de point de vue. Assemblée générale des actionnaires, Directoire et Conseil de surveillance semblent calqués sur le modèle de l'Etat démocratique. Les actionnaires votent, pour désigner leurs représentants dans les instances de direction et de contrôle. Au point, qu'éblouis par le modèle capitaliste, certains n'hésitent pas à faire de l'actionnariat populaire le phare de la démocratie moderne, avec le salarié-actionnaire comme héros emblématique. Il convient de nuancer un peu cette vision par trop optimiste. Ce ne sont pas des personnes qui votent, mais des actions. Il n'y a pas d'égalité citoyenne dans la démocratie d'entreprise. Les petits porteurs servent au mieux d'alibi, au pire sont méprisés et ignorés. Face aux quelques actionnaires qui comptent, leur poids est dérisoire. Mais ils sont aujourd'hui regroupés et défendus par les Fonds de pension. Ces derniers ont fait la preuve de leur efficacité, face à des Dirigeants d'entreprise jugés trop peu efficaces. Valorisation des titres, rentabilité immédiate, voilà le nouveau credo. Dans l'intérêt de tous, des entreprises et de leurs salariés, futurs retraités... Voire.
Les limites du marché
L'obligation de verser des dividendes et de se soucier du cours de l'action a certainement assaini les pratiques des PDG. Il suffit de se rappeler le désastre du Crédit Lyonnais pour être convaincu de la nécessité d'un véritable contrôle des dirigeants d'entreprise. Mais la gestion "le nez dans le guidon", avec des responsables omnubilés par les seuls indicateurs boursiers, a ses limites. Préoccupés uniquement par les performances à court terme, ces derniers n'auront guère le souci des conséquences de leurs décisions sur l'environnement économique, social et naturel. Des entreprises largement bénéficiaires licencient (c'est bon pour le cours de l'action), d'autres, pour limiter les coûts, mettent en danger la population et l'environnement. Les conséquences catastrophiques d'économies de bouts de chandelles sont ensuite présentées comme relevant de la fatalité, et socialisées. Vache folle, Erika, ... Le marché est un excellent instrument de régulation à court terme, mais n'est pas capable de générer une vision de l'avenir. Sans l'action de l'Etat, y compris aux Etats Unis, il n'y aurait jamais eu d'aventure spatiale, d'énergie nucléaire, ... Le marché n'a qu'un seul but : le profit. Pousser les consommateurs à l'absorption excessive de nourriture mal équilibrée, pour proposer ensuite des solutions marchandes à la surcharge pondérale. Et que dire des efforts faits par les fabricants de cigarettes pour "accrocher" les adolescents ? Qui peut prétendre que la "main invisible du marché" produit ici un mieux être collectif ? Tout au plus un accroissement comptable, additionnant la production de tabac au traitement du cancer du poumon ! Il ne faut pas compter sur le marché pour fonder un projet de société.
Pourquoi il faut défendre le "politique"
Seul l'Etat peut imposer l'intérêt général, imposer une loi plus forte que le droit de propriété (de l'us et de l'abus des choses). Réglementer, voire exproprier, au nom du bien commun. Se poser en arbitre au-dessus des intérêts égoïstes. Il faut défendre aujourd'hui l'Etat démocratique. Car la démocratie politique a un grand avantage. Elle met tous les citoyens sur un pied d'égalité. Chacun peut, lors d'élections libres, exprimer ses préférences et faire valoir ses choix. Le problème qui se pose aujourd'hui, c'est que l'espace économique ne coïncide plus avec l'espace politique, donnant l'impression de laisser les gouvernement impuissants à résoudre les problèmes des populations. Le marché est européen, mondial. La démocratie reste essentiellement nationale. Et pourtant l'Union européenne, avec la monnaie unique, est de fait la véritable instance de notre politique économique. Ses institutions ne favorisent pas pour l'instant le contrôle citoyen. Pour preuve le peu de crédit accordé au Parlement, pourtant seule instance élue. Faute de démocratie, le marché fait sa loi, et l'idéologie libérale domine. Les lobbies s'affairent à Bruxelles, phagocytant la Commission. Et on ne sait plus ce qu'est le chocolat... Saluons l'initiative de Joschka Fischer, Ministre allemand des Affaires étrangères. Vivement une fédération européenne, avec un Président et un véritable Parlement, élus au suffrage universel !
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