un lutin est passé.

Il y a quelques temps, j'ai pris la décision, donc, de ne pas laisser tomber l'homme qui partage mes jours, à l'annonce de ses ''problèmes de santé''.
Depuis quelques années, je me disais qu'il fallait que je le quitte et que je passe à autre chose. Et cette décision, que je savais raisonnable, je n'arrivais pas à la prendre.

Nous nous sommes passionnément aimés, notre cohabitation se passait bien, malgré quelques épreuves, dont j'ai déjà longuement parlé ici.
Les choses se sont gâchées quand il s'est fâché avec l'amant. Il aurait voulu que je renonce à le voir, alors même qu'il voulait continuer à voir sa maîtresse.
J'ai trouvé ça complètement injuste, égoïste, inacceptable.
Et puis l'amant est mort.
L'homme s'est enfermé dans une tour, non pas d'ivoire, de tungstène doublée de teflon. Rongé par le remords et les regrets, il s'est rendu inaccessible à tout.
Je dirais qu'il s'est laissé mourir.
Pendant quatre ans, il n'a pratiquement pas bougé de son fauteuil, devant son ordi, plongé dans des jeux. Une ou deux fois par semaine, il allait voir sa maîtresse, plus en pote qu'en amant.
Et moi, je n'ai plus voulu sexer avec lui.
Et puis, on lui a annoncé qu'il avait un cancer. Il a passé deux semaines à l'hosto, à faire des tas d'examens et d'analyses.
Et là, il y a eu un électro-choc.
Quand il est rentré à la maison, il a laissé tomber son fauteuil, son ordi, ses jeux. Il s'est remis à me parler, vrai et sans détour.
Tout ce qu'il refusait de voir, d'analyser, d'entendre, de comprendre, il l'a enfin vu, analysé, entendu, compris.

Bref, j'ai retrouvé l'homme que j'avais tant aimé. Intelligent, sensible, sensuel.
Et l'homme exigent jusqu'à l’intransigeance, souvent capricieux, de mauvaise foi, semble avoir fait place à un homme nouveau, enfin apaisé et réconcilié.

Nous avons renoué le contact, recommencé à nous toucher, nous embrasser, nous masser, nous papouiller. Et puis, enfin, nous nous parlons. Et chacun entend enfin ce que l'autre dit.

Lui, de son côté, depuis que, grâce à la cortisone, l'oedeme de sa tumeur a désenflé et qu'il a retrouvé l'usage de ses membres, il est plein d'espoir, et décidé à se battre.
Il n'a mal nulle part, se sent en pleine forme, a bon appétit, dort bien.
On n'aurait pas vu les clichés des scanners, on pourrait presque croire qu'il n'a rien.

Tout ça est encore terriblement embrouillé dans mes ressentis. En même temps, je suis profondément heureuse de l'avoir retrouvé, et terriblement anxieuse de le perdre.
J'essaie de gérer au jour le jour, de ne pas penser au lendemain, de profiter de chaque moment avec lui.

Pour le moment, je tiens le choc, malgré un gros coup de mou le week-end dernier, dû essentiellement à la fatigue.
Pendant toute une semaine, il a été quasiment hémiplégique, et j'ai du tout assurer, y compris ses crises d'angoisse, tout en continuant à bosser un max.

Il ne nous reste plus qu'à attendre les résultats des différents examens (il lui reste un pet scan à passer le 14) pour connaitre enfin la localisation de la tumeur primaire, que les médecins n'ont toujours pas trouvée.

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