Valentin : Surtout si tu prends en compte que ces revenus arrivent apres une premiere taxation du resultat des entreprises a 34%+.
LPF : Pas d'accord, le périmètre d'examen n'est plus le même. Je parle de la partie touchée par la personne physique (parce qu'à ce compte-là, le travail est "taxé" à plus de 50%...).
Oui mais les doubles impoositions en cascade des mêmes sommes, ça ménerve.
En l'occurrence on parles de quelqu'un qui aurait investi 100 dans une boite, la boite dégage 10 de bénéf au prorata de ces 100,
10% de retour sur capitaux propres c'est pas si mal.
Mais sur ces 10, y'en a déjà 34% et quelques qui partent en impôt sur les sociétés (quand Sarko disait "un tiers pour l'investissement, un tiers pour l'actionnaire, un tiers pour les salariés", il oubliait de dire qu'avant tout y'a un tiers pour l'Etat).
Reste 7.Et pis ensuite il y a 24% de revenu à la source sur les dividendes, qui sont en train de devenir 40%.
Reste 5% (4% bientôt), ce qui pour le coup ne fait plus un placement très attractif si tu prends en compte le risque inhérent à l'investissement actionnarial.
Vu qu'on a supprimé l'avoir fiscal, ce truc qui faisait que les dividendes étaient imposés, mais qu'en contrepartie on te remboursait l'impôt sur les sociétés correspondant.
Et 4-5%, c'est en partant du principe que la boite distribue tout son résultat, ce qui en réalité serait absurde, il faut bien réinvestir pour l'avenir, donc le rendement réel du capital baisse encore.
Tout ceci n'est pas neutre du tout.Ceux que ça fait chier peuvent sauter ce qui suit, mais il n'est pas inintéressant d'examiner les conséquences économiques des décisions fiscales yakafokon.
Quant on taxe les dividendes, on fait baisser la rentabilité des investissements en action. Soit.
Mais les boites ont quand même toujours besoin d'argent, parce que bon, pour faire de la croissance, de l'innovation, pour employer des salariés et satisfaire des consommateurs, il faut investir du pognon au départ.
Donc si on veut continuer à financer l'entreprise, il faut trouver des capitaux, soit vers les actionnaires, soit vers les banques.
Et comme il y a de plus en plus d'impôt sur les dividendes, ou alternativement comme il va falloir payer des intérêts aux banques avant de se verser des dividendes, il faut une plus forte rentabilité des entreprises.
C'est comme ça, exactement, je n'invente rien, qu'on est passé d'un capitalisme pépère de gens qui mettaient leur pognon dans des boites et se satisfaisaient d'un rendement à 7%, à un monde où d'une part on demande beaucoup plus de rentabilité aux entreprises pour que le dividende après impôt reste attractif, et d'autre part où pour se faire, on a beaucoup augmenté l'effet de levier, c'est à dire financé avec de la dette.
L'idée de l'effet de levier, c'est que si en investissant 100 tu gagnes 10, et que tu peux emprunter à 5%, alors tu empruntes 50, tu mets 50 de ta poche, ta boite gagne désormais 10 moins les intérêts de 5% sur 50 soit 2.5, reste 7.5, 7.5 divisé par 50 que tu as mis de ta poche égale 15%, tu viens de transformer un truc qui gagne 10% en un truc qui te rapporte 15%.
Et la beauté du truc, c'est que les intérêts sont déductibles, donc en plus tu payes des impôts sur un résultat de 7.5 au lieu de 10 (encore une belle absurdité économique de l'impôt).
Alors évidemment, du coup, tu te mets à te demander s'il ne vaudrait pas mieux mettre 10 de ta poche et emprunter 90, et là bon la banque n'est pas folle, elle voit bien que c'est risqué, donc elle te fait payer 7% au lieu de 5%, donc ton résultat devient 10 - 7% x 90 = 4 environ, mais 4 divisé par 10 que tu as mis de ta poche, tu te fais quand même du 40% de rentabilité, c'est cool.
Et en plus tu ne paies plus de l'impot sur les sociétés que pour un résultat de 4...
Sauf que dans le temps, quand c'était du vrai capitalisme où le capitaliste mettait son capital à lui, ça gagnait 10%, bon si l'année était mauvaise des dois c'était 7%, des fois c'était 12%, c'est la vie, de toute façon ça rapporte, on peut réinvestir, on peut faire le gros dos pendant les crises, on voit à long terme.
Quand tu as un effet de levier de 1/10, si la profitabilité intrinsèque de ta boite chute pour une raison X ou Y, de la météo à n'importe quelle autre crise, tu n'a plus de pognon pour rembourser tes dettes, et encore moins pour payer des dividendes, tu es mort.
Et accessoirement, quand toutes les boites de la terre font la même chose, un univers économique mondial qui avait besoin de 100 de capital se retrouve tout d'un coup avec un besoin de 10 seulement vu que les banques font le boulot, y'a trop de pognon à investir, les capitalistes ne savent plus ou foutre leur pognon.
Surtout que dans le même temps, sont apparu d'ENORME fonds de pensions qui gèrent les sommes collossales (des milliards de milliards) versées pour les assurances ou pour les retraites de tout le monde, et qui eux aussi veulent un rendement décent pour payer correctement les retraites et les sinistres...
Conclusion : à jouer avec le feu fiscal, on a créé un monde où :
- les boites ont impérativement besoin de résultats élevés et super-stables, sinon elles ne peuvent plus payer leurs intérêts et leurs dividendes, et elles meurent : du coup à la moindre crise,
il faut licencier, et même sans crise, toute opportunité de faire faire par un polonais ou par un chinois ce qui était fait par un français parait être une bonne idée
- les fonds qui ne pouvaient plus investir dans les actions parce que les banques font tout le boulot se sont rabattu sur les placements à haut risque genre crédit hypothécaire (
crise des subprimes), spéculations sur les denrées alimentaires (
famines historiques dans les pays pauvres depuis 10 ans) ou spéculations sur les
dettes des Etats (... ai-je besoin d'expliciter ?)
- dans tous les cas,
les intérêts sont déductibles de l'impôt sur les sociétés, donc l'Etat ne gagne même pas plus de pognon qu'avant, puisque ce sont les banques qui se servent en premier
Désolé, j'ai été un peu long.
Moralité : même avec les meilleures intentions dogmatiques du monde, on peut faire de grosses conneries