Mon premier émoi auditif a eu lieu en 1984 : Love on the Beat, Gainsbourg (ou plutôt coup de Bambou). Drôle d’atmosphère à la maison vautré devant le canapé à regarder Drucker avec mes parents et mon frangin… Bizarre quand même cette nana qui crie derrière, je me demande si elle a mal ou si, elle a… mal ? Mais quand même, je me sens troublé, ça colle pas avec les paroles. Jamais entendu ma mère faire ce bruit (d’ailleurs jamais entendu ma mère tout court). Et puis mon frère plus âgé que moi, achète l’album et le clip qui passe de temps à autre me laisse à penser que cela pourrait bien être ce que je crois. Je reste dubitatif (j’éviterais les poncifs sur éjaculateur précoce… j’aurais écris « hatif » sinon), mes branlettes ne me font pas cet effet là ?! Ce serait un truc spécifiquement féminin ? Le plaisir pourrait-il atteindre une intensité telle qu’il s’apparente à une douleur.
Ma curiosité devra patienter quelques années, jusqu’à la première rencontre… Elle avait des faux airs de Meg Ryan, était la seul fille dans une classe de mecs et était un peu nympho (ce que je considère être une grande qualité… et puis je ne peux nier le fait que ça m’arrangeait). D’abord son sursaut accompagné d’un petit cri entre le soupir et l’aise et je la sens liquide quelques centimètre plus bas. Puis son souffle dans mon coup, lorsque ce fut enfin autre chose que mes doigts qui la pénétrait. Et enfin ses gémissements mesurés, presque étouffés, comme retenu lorsque je l’ai sentie se crisper. J’avais peur de lui avoir fait mal et malgré tout, je ne pouvais plus retenir ma jouissance. Pffff, mince déjà ?
Et moi dans tout ça, qu’ai-je bien pu exprimer malgré moi, je crois que j’ai fait le même bruit que si j’avais voulu retenir mon souffle entre deux hoquets ! Certainement beaucoup moins excitant pour ma partenaire, que la sérénade molto modérato qu’elle venait de me jouer et qui avait déclenché mon plaisir. Plus tard je m’inquiétais de savoir si je lui avais fait mal, ce à quoi elle répondit qu’on ne pouvait pas exactement dire ça…
S’en suivirent plus de 6 ans de « silence » fait de souffle et de profondes respirations. Puis une nouvelle révélation la première fois de celle qui partageait ma vie depuis 4 ans. Ma maîtresse s’est mise à crier, roque, partant du fond de la gorge, rauque malgré la douceur de sa voix d’ordinaire. J’ai eu le même réflexe que le jour ou j’avais perdu mon pucelage : « je t’ai fait mal
». Mais non, mais non…
Nous sommes revus souvent et par mimétisme ou parce que sa liberté me permettait d’exprimer enfin la mienne, ce que je réfrénais inconsciemment, peut-être par une sorte de pudeur et de respect envers ma copine que ce genre d’expression semblait déranger. Dès lors j’ai eu le sentiment que l’animalité de nos plaisirs clandestins, induisait un cercle vertueux qui semblait nous emmener vers des sommets toujours plus hauts. C’était grisant, elle était insatiable et moi aussi. Mon appartement était heureusement très bien insonorisé. C’est à ce moment que j’ai eu le sentiment que Bambou ne feignait pas son plaisir à interpréter Love On The Beat qui passait régulièrement en prélude à nos ébats (vive le CD et sa touche « repeat »)
Et puis il y a eu Opale qui, que ce soit par plaisir ou douleur (mais où est la limite… je me pose toujours la question 20 ans plus tard, mais elle a désormais un autre sens), Opale disais-je me faisait presque jouir sans qu’il soit nécessaire qu’elle me touche. Par moment et aussi par ce qu’elle m’était soumise, je me disais que la parole ne lui servait à rien, elle s’exprimait très bien sans ! Un plaisir indicible que de l’entendre, gémir, miauler, couiner, râler sans que je ne le lui ai jamais demandé. Elle me permettait de la guider vers le plaisir, en le retardant, en en prenant littéralement le contrôle. Voir son visage se crisper, l’entendre venir, s’approcher à petit cris retenu au bord du précipice puis s’arrêter brusquement, pour revenir quelques secondes à peine après, avant d’enfin déchirer le silence d’un cri d’extase.
Aussi, je me demande aujourd’hui, si ce genre de liberté, de capacité d’abandon ne peut se trouver que dans le genre de relation que j’entretenais avec Opale. En fait voilà, c’était ça le sens de ma question…
Ou alors c’est qu’elle était tout simplement plus mûre et que cette maturité lui avait permis de se libérer de ce carcan, pourtant tellement nécessaire en cas de mauvaise insonorisation ?