Je préviens tout de suite, c’est très long, c’est un peu pompeux et j’m’en excuse et surtout… c’est pas obligatoire
J'serai pas vexée si personne ne lit mais j'tiens ma parole
(j’arrête pas les sujets de quiou
)
La plupart des artistes cherchent ou ressentent le besoin d’exprimer une vision, un regard sur le monde.
Ce regard peut s’exprimer avec des mots comme en littérature ou en poésie mais aussi par un langage qui est propre à chaque forme d’art : notes de musiques et voix bien sûr, créations visuelles, formelles, de couleurs, d’espace, d’émotions ou d’âme.
J’vais surtout parler d’art pictural puisque tu nous citais Miro mais pas seulement.
Bien sûr, comme dans tout domaine, on peut s’éduquer.
Eduquer notre œil à comprendre les relations entre la couleur et la forme par exemple, étudier l’histoire de l’art également afin de mieux saisir la continuité dans la création et dans les références (même inconscientes) de chaque artiste.
Ca n’est absolument pas crucial pour apprécier l’art mais, comme dans tout domaine créatif comme la musique ou la littérature (souvent les gens le font instinctivement dans ces domaines soi-disant plus « accessibles »), plus grande est notre éducation et notre culture face à une oeuvre, plus nous en saisirons facilement, instinctivement et profondément l’objet.
On peut s’éduquer autrement que dans les livres, on peut tout simplement « dévorer » de l’art, sous toutes ses formes, pendant longtemps. L’œil finit par se former, voir les nuances, les subtilités qu’il ne distinguait pas avant.
Souvent, les gens pensent que l’art est comme une frivolité, une superficialité non vitale, dont le seul but est de faire joli dans le salon (ou moche dans les toilettes de Hot’
) ou tout simplement être « beau ». Et évidemment, comprennent mal qu’une toile puisse se vendre des dizaines de millions d’euros (ne pas confondre art et marché de l’art)
Mais l’Art, à mon sens, englobe toute création qui aborde l’essentiel et l’incontournable de la vie – que ce soit l’amour, la mort, la guerre, les relations humaines ou encore la marque de l’âme humaine et de la conscience.
J’imagine que nous serons tous d’accord pour dire que les choses les plus importantes dans la vie sont intangibles, impalpables – l’amour, l’amitié, l’honneur, le dévouement, le courage, l’abnégation, la lâcheté, le pouvoir, etc. – ce qui nous définit et habite nos âmes.
Même si au début du 21ème siècle, nous avons souvent l’impression que nous frôlons l’invincibilité technologique et matérielle (ou ne doutons pas de l’atteindre un jour
), il me semble que la vérité est quand même que nous n’avons toujours pas les réponses à la plupart de nos éternelles questions, les plus importantes. Qui sommes-nous ? Comment sommes-nous arrivés sur cette terre ? Qu’y a-t-il après la mort ? Comment les univers se créent ? Où ai-je foutu mon ipod? …
La vie elle-même et la conscience d’être sont des mystères qui continuent de nous étourdir, chaque fois qu’on s’y attarde vraiment.
Ne sommes-nous pas tous ici sur ce forum en recherche de pistes de réponses à des questions universelles ? Aussi dérisoires soient-elles ? et sans faire de philo de comptoir
Pour moi, un artiste et son rôle (son utilité ?) est de nous pousser à regarder, penser et ressentir par quelque moyen que ce soit, qu’il estime nécessaire et en harmonie avec son environnement (nécessité de recadrage dans l’époque), sa formation, sa vision, son expérience et ses références.
L’art est bien plus qu’un canevas rectangulaire accroché à un mur ou une sculpture sur un joli socle.
Au début du 20ème siècle, l’art a explosé en de multiples formes, éclatant nos références, beaucoup de ces formes croisant et décroisant les anciennes frontières des étiquettes et des catégories (autant de définitions arbitraires).
Comme la musique aujourd’hui (et qui penserait à le nier), l’art contemporain cherche à mêler différentes formes et en créer de totalement nouvelles.
Si on peut se demander « pourquoi », on peut aussi se demander « pourquoi pas », non ?
L’ambition première et le critère primordial de l’Art est l’expression, dans le fond comme dans la forme. Pour effectivement « exprimer », dire, communiquer, un artiste a besoin de créer librement et de remettre en question les évidences et les postulats que les siècles précédents ont créé sur l’art, les artistes et leur public.
Créer = renouveler.
Jusqu’au début du 20ème siècle (environ), la peinture traditionnelle s’est essayée à créer une illusion de réalité (il est d’ailleurs intéressant de voir que le mouvement charnière du 19ème siècle est justement l’expressionnisme – parfait exemple de « l’illusion de réalité », poussé à l’extrême dans le pointillisme - approchez-vous d’un tableau de Pissarro et vous criez à l’arnaque, éloignez-vous en et la beauté figurative apparaît)..
Donc créer une illusion de réalité comme si on regardait à travers une fenêtre, représentation visible et fidèle d’une réalité donnée.
Les techniques pour cela étaient et sont nombreuses : la perspective, le travail des ombres pour créer les impressions de reliefs, la réduction des courbes, etc.
A la fin du 19ème siècle, et avec l’apparition de la photographie, les peintres ont commencé à trouver secondaire ce besoin d’illusion de réalité et ce sont les artistes du cubisme au début du 20è qui commencent à créer des collages qui ne prétendent aucunement à re-créer une illusion tridimensionnelle. Au contraire.
Et là, nous commençons à parler d’artistes comme Miro (oufff, bravo à ceux qui m’ont lue jusque là
).
Donc foin de la tridimension illusoire, au contraire, ces collages sont faits de tissus, de morceaux de bois, de papiers découpés, etc, disposés sur le même espace plat qu’avant, le canevas, mais sans ambition de créer une perspective ou tout autre imitation de la profondeur dans l’espace. (d’où l’inutilité totale de découvrir ce type d’artistes sur le net, justement, cela manque de dimension, de texture, de couleurs…)
Effectivement et paradoxalement, ces créations ne sont pas « réalistes » et pourtant elles sont franches non ?
Ce que tu vois est exactement ce que l’artiste a créé.
Pas d’illusion de réalité – ou plutôt une réalité concrète justement.
Qu’y a-t-il de plus réel ? L’illusion d’un paysage peint sur une surface plane ou un arrangement de couleurs et de formes recréant l’idée et la sensation de ce paysage mais sans mentir en prétendant lui ressembler ?
Une autre différence et la vraie révolution du 20è siècle : l’oeuvre n’a plus nécessairement de “sujet” clairement identifié (tel un paysage ou une scène de guerre ou encore un passage biblique, même si les peintres de ces tableaux ne s’interdisaient bien entendu aucun symbolisme).
Donc, l’œuvre n’a pas forcément de « sujet » dans le sens tel qu’on l’admettait auparavant, ou celui-ci peut être abstrait ou subjectif.
Il se crée alors une différence entre le “sujet” et ce que j’appellerais la « portée du sujet”.
Le sujet désigne ce que dépeint l’œuvre d’art. Sa portée englobe son sens, sa vision et son sens « métaphysique » en quelque sorte.
J’prends un exemple simple. Un chef d’œuvre de la littérature américaine, Moby Dick.
Le sujet dans Moby Dick est simple : le combat d’un homme contre une baleine.
La portée du roman de Melville est bien plus large : le symbolisme qu’y met l’auteur pour traiter de l’existence de l’homme et de son utilité (on y revient Hot, t’es toujours là ?
) , sa relation avec la nature, le monde qui l’entoure, son pouvoir et ses limites, etc.
On parle de styles, de périodes et d’écoles. Ca me paraît un peu superficiel et souvent erroné.
La plupart des artistes ne rentrent pas dans des cases ou des catégories stylistiques.
Ils évoluent, grandissent, changent et mûrissent, goûtant à différentes inspiration, exactement comme en musique.
Mais c’est vrai qu’il y a certaines caractéristiques qui définissent certains mouvements, même si dans chaque mouvement, chacun est unique.
On peut parler de travail de la lumière et de la couleur chez les impressionnistes (mais allez comparer un Degas et un Monet ou encore Renoir).
L’expressionnisme est plus émotionnel, plus dans la souffrance aussi peut-être, plus chargé et « torturé ».
Le cubisme traitait de l’espace et de la composition spatiale.
Le surréalisme (Miro donc parmi d’autres) avait vocation à traiter de l’inconscient, des fantasmes, des rêves et autres imaginaires freudiens (ne pas oublier l’époque).
Etc, etc.
L’art existe par lui-même, par les émotions qui l’ont fait naître et qu’il véhicule. Simplement.
Tout comme la musique.
Elle existe par elle-même, classique, jazz, rock, blues, techno ou hip hop.
Quand nous écoutons de la musique exceptionnelle, nous la reconnaissons pour ce qu’elle est.
Nous n’avons pas besoin de la comprendre (on peut aimer Beethoven sans rien y comprendre ou un morceau de rock en anglais sans entendre une seule parole).
Et pourtant, sans éducation, consciente ou non, on peut finir par trouver que Jenifer est une artiste.
Voilà ce qui me choque dans ton propos Hot’.
Ce n’est pas que tu aimes ou n’aime pas Miro (ou quelqu’un d’autre d’ailleurs… vous avez cité Nikki de Saint-Phalle, j’suis pas fan par exemple…).
Tel est ton droit et manquerait plus que ca, rhooo nood’jiouuu
Non, ce qui me dérange, c’est que tu ne cherches pas à comprendre ou savoir ce qui fait que cette œuvre peut atteindre des sommets aussi mirobolants sur le marché de l’art.
Oui, il y a des imposteurs.
Des imposteurs de génie aussi. (n’est-ce pas déjà une forme d’art ?)
Mais Miro pour moi par exemple, c’est le peintre de la poésie, chacun de ses tableaux m’emmène et me fait voyager.
Je n’ai jamais eu la chance de voir ce tableau qui s’est vendu si cher (encore une fois, aucune rapport avec sa valeur intrinsèque si tant est que cela existe) mais je connais assez le travail de Miro pour pouvoir imaginer à partir de la pauvre représentation qui en est faite sur une simple photo (et de mauvaise qualité) à quel point elle doit être riche de couleurs, de travail et de chemins de traverses poétiques.
Tu es un fervent amateur de musique. Il a bien fallu que tu éduques ton goût, que tu écoutes des tonnes de merde, que tu aiguises tes sens pour définir ce qui te touchait et t’ébranlait ?
Pourquoi ne pas avoir la même démarche vis-à-vis de l’art ?
Tu as le droit de répondre « ca me fait chier ».
Mais alors, peut-être serait-il intelligent d’éviter les jugements de valeur et autres condamnations à l’emporte pièce ?
J’y connais rien en musique. C’est un de mes grands regrets. Je ne désespère pas apprendre un jour.
Mais j’en sais assez pour savoir que Jenifer, c’est de la daube et ca n’a rien à voir avec de l’art
J’aurais pu faire le même type de post sur le théâtre puisque c’est par là que tu as attaqué ce post…
Exemple simple.
Faire arriver Tartuffe à vélo, okay, c’est rigolo, ca n’a jamais été fait.
Mais ca n’a aucun sens si c’est pas intégré dans une réflexion générale et construite.
Quand Mouchkine monte Tartuffe au milieu d’une casbah et le présente dans notre contexte religieux et politique, là, ça a un sens.
Et pas besoin d'avoir une culture encyclopédique pour comprendre que Tartuffe au 17è, ce sont les barbus du 21è. Parce que c'est cohérent, c'est intelligent et c'est neuf! (et pourtant, combien de représentations de Tartuffe depuis sa création?)
Molière redevient universel, parce que décrivant les affres et les tourments de l’âme humaine.
Ame humaine à qui il faudra bien plus de 2000 ans pour changer de manière profonde…