Chapitre 1
La sonnette de la porte d'entrée... Marie-Françoise respira lentement et profondément, pour calmer l'excitation qui la gagnait.
Il fallait que tout soit prêt, parfait, pour l'accueillir. D'un regard circulaire, Marie-Françoise constata que tout était bien en place dans le salon. Il faisait nuit, déjà à cette heure, et les volets étaient fermés. Une lumière douce était diffusée par des appliques murales en laiton d'un style désuet avec leurs abat-jours en velours. Le mobilier, fruit d'une longue et patiente quête dans les brocantes provinciales, alliait la patine du temps à l'odeur du bois ciré : une table ronde, des chaises confortables, deux fauteuils, une méridienne et un petit meuble-bar, une commode aussi, sur laquelle étaient posés quelques bibelots, un napperon en fine dentelle et un vase fleuri. Le thé était servi sur un guéridon, avec un assortiment de petits gateaux. Aux murs, il y avait des gravures du XVIIIème siècle, licencieuses comme il se doit, et un imposant tableau du XIXème, une odalisque dans le style de Gustave Doré. Et deux grand miroirs ovales et inclinables, se dressaient face à face. Après avoir vérifié une dernière fois la disposition des fauteuils et des miroirs, Marie-Françoise s'estima satisfaite.
La maison allait faire honneur à la pénitente.
Marie-Françoise avait passé toute son après-midi à préparer ce moment. Elle avait pris un long bain, à la fois pour se purifier et pour se délasser, dans une eau chaude et parfumée. Elle s'était habillée avec soin, afin de ne sacrifier en aucun cas l'élégance à la liberté de mouvement qu'allait exiger son office. C'était une femme grande et mince, la quarantaine à peine entamée. Elle portait des vêtements assez amples, une jupe marron foncé plutôt longue et un chemisier de soie couleur crème. Nécessité faisant loi, elle avait ôté les bagues de ses doigts, et ne conservait comme seuls bijoux qu'un fin collier d'or et ses boucles d'oreilles. Ses cheveux, longs et blonds, étaient ramenés en un chignon strict derrière la tête. Avec ses petites lunettes, elle avait l'air, sévère, d'une institutrice des temps jadis.
Marie-Françoise se dirigea vers la porte d'entrée pour accueillir la pénitente.
***
Cela faisait plus de deux mois que Marie-Françoise était en contact avec la pénitente. Internet...
Dans le petit bureau attenant au salon, elle passait des heures à chasser le fantasme en ratissant la toile. Ordinateur portable et haut débit... Des nuits blanches occupées à poster sur les forums, à hanter les chats, à échanger des messages privés... A chercher l'oiseau rare. Elle avait fini par rencontrer la pénitente au hasard de ses tribulations, sur un forum consacré à la domination légère. Le courant avait immédiatement passé entre elles, et après avoir animé de leur verve quelques sujets de ce forum, elles se sont retrouvées sur une messagerie instantanée, puis au téléphone. Sans aucun doute possible, leurs fantasmes étaient complémentaires. Il ne restait donc plus qu'à passer du virtuel au réel, et rendez-vous fut pris.
(A suivre...)