Instant de vie.

[vette]

Je propose que chacun de vous nous décrive un moment fort de sa vie, un moment exceptionnel, un moment où il s'est senti lui -même plus que jamais. Pas forcément un évenement important. Juste un instant de vie  dont on se souvient très fort, par ce qu'il a laissé en vous une trace, une sensation forte.
Et je commence :

BULLEUSE

Ses vêtements ne formaient plus qu'un tas dérisoire sur le rivage. Elle s'était dépouillée de tout. Elle nageait vers l'horizon, vers ce vide absolu qui lui foutait le vertige. Débarassée de ces pensées qui la hantaient.
Des millions de bulles argentées accompagnaient son corps, le mouvement de ses membres. Elle participait enfin de l'univers, elle était au monde, enfin, et le monde était à elle.
Elle pouvait nager jusqu'à ce que la mer dissolve son corps, sa pensée, l'exacte mesure de son être.
Elle pouvait nager jusqu'à ne plus exister du tout, exister dans le tout.
Rien ne la retenait plus de la berge, rien d'autre que son envie de se mouvoir, bras après jambe, visage qui plonge dans l'écume bulleuse, bulles argentées à la lumière de la lune. Elle aurait pu nager, encore et encore, jusqu'à ce que s'éteigne la moindre envie de durer encore.
Quelle berge absente encore pourrait la rappeler, quelle conscience en dehors de son envie ?

[Camille]

Long si long, chaque secondes enfoncent un poing dans l'estomac, se tord, se noue, m'étrangle jusqu'au cou, prise au piège coincée dans l'expectative.
Latente elle me ronge, j'implore qu'enfin l'infini se remplisse...
D'interminables étendues de désert me vide.
Immensément lent le temps n'en fini plus de me défier, piétinée d'impatience, démolie d'espérance, je me désagrège.
Je tourne, retourne, tourbillonne et vacille dans chaque minute, dépossédée de réalité.
D'utopiques raisons raisonnent et me lacèrent.
J'attends.