https://www.youtube.com/watch?v=MazCnEDHkB8&feature=youtu.beJ'ai écrit (et publié) ça en 1999 :
Au-delà de l'avant-garde
La révolution permanente...
Geste créateur ou iconoclasme?
En 1989, à la galerie Pailhas à Marseille, Bernard Bazile fait procéder en public à l'ouverture de l'une des boites de "merde d'artiste", oeuvre de Piero Manzoni (Merdes d'artiste, "contenu net gr. 30, conservée au naturel, produite et mise en boîte au mois de mai 1961, produced by Piero Manzoni, made in Italy", vendues au gramme selon la cotation journalière de l'or!). Il réalise ainsi un authentique "geste d'artiste", générant au passage une plus-value marchande, puisque le prix de la boîte (dont la valeur initiale se chiffre à plusieurs centaines de milliers de francs) va doubler, une fois ouverte!
En mai 1993, lors d'une exposition à Nîmes, l'artiste Pierre Pinoncelli a pissé dans l'urinoir de Marcel Duchamp (Fontaine, 1917, signé R. Mutt), "pour remettre l'oeuvre à sa place" dit- il, puis lui a asséné un coup de marteau "pour signifier son retour au statut d'urinoir". Il vient d'être condamné par le Tribunal de Grande Instance de Tarascon à payer près de 300 000 francs de dommages et intérêts: le tribunal n'a pas été sensible aux arguments de son avocat selon lequel "la provocation de Duchamp se retrouve dans la provocation de Pinoncelli" (Libération du 22 novembre 1999).
Tout ce que fait un artiste est oeuvre d'art
Depuis plus d'un siècle, la transgression est devenue le principe même de l'art. Manet, avec le Déjeuner sur l'herbe, a rompu avec la tradition académique et choqué ses contemporains en présentant un nu dans une scène de genre (extérieur, déjeuner, hommes habillés...). Puis ont été remis en cause la technique picturale (Impressionnistes), le réalisme figuratif (Cubistes), la figuration (Abstraction)... et pour finir la peinture elle-même!
Casimir Malevitch (Carré noir, 1913 et Carré blanc sur fond blanc, 1918) et Marcel Duchamp avec ses "ready mades" (urinoir, porte-bouteille, roue de bicyclette,...) sont allés au bout de cette logique.
L'objet devient oeuvre d'art par la volonté de l'artiste...
L'avant-garde ou la "Révolution permanente"
Faire oeuvre d'art c'est avant tout être reconnu en qualité d'artiste. L'artiste est celui qui nous montre nos limites et frontières en les franchissant allègrement. Débarrassé des contraintes techniques et esthétiques, l'artiste ne connaît plus qu'une seule obligation: innover. Et par là, remettre en question (en questions?) l'art déjà établi et reconnu.
Mais comment distinguer l'authentique artiste du mystificateur? Car le propre de l'innovation et de la transgression est de ne pas pouvoir être jugées selon les critères du passé! Les Amateurs éclairés et les Institutions vont séparer le bon grain de l'ivraie.
Ainsi, les vrais amateurs d'art, guidés par les critiques, possèdent Le bon goût qui les distingue du commun des mortels, tandis que les musées assurent la consécration en accordant aux objets le statut d'oeuvres d'art et aux hommes celui d'artiste.
L'art contemporain n'est pas le domaine du "n'importe quoi". C'est un jeu subtil, où l'artiste transgresse les règles tout en respectant les règles de la transgression que posent de façon implicite le marché (critiques et galeries) et l'institution (musées et marché institutionnel tel le FRAC...)
Bernard Bazile y a réussi, Piero Pinoncelli a échoué... allez savoir !