NUTS - Nos Univers Très Sexy

Alexandre, 13 ans, des hormones qui commencent à bouillonner !

Sa maladie : myopathie de Duchenne, maladie génétique, avec des conséquences évolutives d'hypertrophie cardiaque déjà constatée, plus des insuffisances respiratoires avec hyper-sécrétions. Il a très souvent un mouchoir en papier devant la bouche pour cracher, et un sachet pour collecter ses déchets... Son état fait qu'il est souvent sujet à des crises soudaines de fatigue extrême, d'après ce que sa mère m'a expliqué, et qui peuvent le laisser incapable de réagir à ce qu'on lui dit plusieurs minutes, voire plus. Alexandre dit lui-même qu'en ce cas, il "part dans les nuages".

Sa soeur aînée est décédée il y a quelques mois de cette même maladie, à 21 ans. Cela, je suppose, n'induit pas un climat familial des plus sereins !

Alexandre n'a qu'une envie : rentrer chez lui, à la Guadeloupe, retrouver sa vie d'avant, jouer, danser, ne parler que créole ! Se retrouver comme avant l'évolution perceptible de sa maladie aussi, je suppose, mais là, c'est du non-dit... En attendant, il veut jouer à l'ordinateur, à la console. Le reste ne l'intéresse que peu. Il sait qu'il doit aller au collège, il veut avoir de bonnes notes, mais sa scolarité ne l'intéresse pas vraiment. Est-il déjà désabusé par rapport à son devenir face à la maladie ?

J'accompagne ce gamin au quotidien ! Qu'en pensez-vous ?

Tu l'accompagnes dans quel cadre ? Pro ? Perso ?

Je suis recruté par l'Académie de Créteil pour ce job

Rémunéré au SMIC, à hauteur de 20h/semaine
Et les profs qui me demandent conseil !

Une prof vient de constater une évidence : nous, profs, nous ne les voyons que quelques heures par semaine. Mais vous, parents accompagnant votre élève, vous les voyez en permanence.
Ben oui ! Et je ne suis pas parent, là ! Et ça m'a permis de voir la différence entre différents types de profs !

Contrat d'Auxiliaire de vie scolaire, sur l'académie du 94. Rémunéré 604€ mensuels net !
Sauf que nous sommes bientôt fin novembre, et que je n'ai toujours pas mon bulletin de salaire d'octobre...

Je ne sais pas comment fonctionne ce système d'accompagnement. J'imagine qu'il y a un protocole particulier en lien avec les toubibs et qu'il doit y avoir intervention d'un psy dans l'histoire? Peut être pourrais-tu voir avec eux qui en prime doivent le connaitre un peu? Qu'en disent les parents?

Ça, c'est normal, on est toujours payé avec du retard. Deux mois, en général.
J'ai eu ça aussi, quand j'ai commencé.

J'en pense que tu vas le voir descendre et que si tu t'es pas préparé tu vas morfler.
Cependant et avant d'être un malade ça reste une personne, donc les rapports humains ne changent pas vraiment.

En fait pour moi accompagner ça ne veut rien dire: quel est précisément ton rôle ?

Une chose que m'a pointée la psy du Mapuche : il faut faire la part entre ce qui relève de la maladie et de ce qui relève de l'adolescence. Mais ce n'est pas toujours facile à débrouiller les choses.

Bonne question. La première à se poser en fait.

Coucou, vous tous ! Je sais, ça fait un bail que je n'ai pas donné de nouvelles !
Mais voila, j'ai changé de job ! Aujourd'hui, j'accompagne un collégien en fauteuil roulant.

Sa maladie : myopathie de Duchenne, maladie génétique dégénérative au niveau musculaire, avec des conséquences évolutives d'insuffisances cardiaques déjà constatées chez Alexandre, plus des insuffisances respiratoires avec hyper-sécrétions. Certains enseignants ont peut-être remarqué qu'il a très souvent un mouchoir en papier devant la bouche pour cracher, et un sachet pour collecter ses déchets... Son état fait qu'il est souvent sujet à des crises soudaines de fatigue extrême, d'après ce que sa mère m'a expliqué, et qui peuvent le laisser incapable de réagir à ce qu'on lui dit plusieurs minutes, voire plus. Alexandre dit lui-même qu'en ce cas, il "part dans les nuages". C'est pour cela que j'essaie de faire en sorte de le stimuler constamment, afin d'éviter que cet état ne risque s'installer.
La sœur aînée d'Alexandre est décédée il y a quelques mois de cette même maladie, à 21 ans. Cela, je suppose, n'induit pas un climat familial des plus sereins !
Alexandre n'a qu'une envie : rentrer chez lui, à la Guadeloupe, retrouver sa vie d'avant, jouer, danser, ne parler que créole ! Se retrouver comme avant l'évolution perceptible de sa maladie aussi, je suppose, mais là, c'est du non-dit... En attendant, il veut jouer à l'ordinateur, à la console. Le reste ne l'intéresse que peu. Il sait qu'il doit aller au collège, il veut avoir de bonnes notes, mais sa scolarité ne l'intéresse pas vraiment. Est-il déjà désabusé par rapport à son devenir face à la maladie ?
J'essaie de le faire avancer, de lui faire faire ses contrôles "en lui tirant les vers du nez". Parce que je me suis rendu compte que même s'il est capable d'apprendre des choses, il n'est pas forcément capable de les restituer à l'instant t. Et je ne sais pas si c'est le mieux pour lui. Cependant, quand à force d'efforts, il comprend une notion essentielle et qu'il est capable de l'utiliser, c'est une telle satisfaction pour lui que son visage s'illumine...
Je suis très exigeant vis à vis des leçons à apprendre, des devoirs à effectuer. Parce qu'il faut qu'il suive sa scolarité.
Mais jusqu'où est-ce que dois être exigeant, partagé entre l'obligation de scolarité de ce gamin, et l'envie de le comprendre et de le préserver ?...

Je l'ai déjà dit, tout ne relève pas de la maladie, il y a aussi la problématique de l'adolescence ... Vouloir passer son temps à jouer devant un écran, etc.
 

C'est clair que s'il meurt au même âge que sa sœur, les études ne lui serviront beaucoup pas pour son avenir.
On pourrait pas lui foutre la paix à ce jeune et ne l'accompagner que  pour qu'il fasse ce dont il a le plus envie ?

Pas mieux, il a une espérance de vie de maxi encore 10 ans.

D'un autre coté apprendre c'est mieux que de ne rien savoir, mais techniquement parlant ça ne lui servira à rien pour l'avenir. De toute façon d'ici 5 ans il pourra bouger les yeux et peut être encore parler de façon compréhensible; guère plus.

Alors on s'en fout s'il pense que Starsbourg est en Paca

Il faut voir aussi que ça lui permet de vivre la même chose que les gamins de son âge, de ne pas être décalé. Et ça le sort un tout petit peu de sa condition de malade.

Souvent ce dont on a le plus envie à cet âge là, c'est de faire comme les autres, non ?
Et justement les autres vont à l'école, sont empêchés par leurs parents de passer leur vie sur l'ordi ou la console et doivent faire un minimum leurs devoirs. Dit autrement, je ne suis pas certaine qu'il serait plus heureux en faisant uniquement ce dont il a envie car il serait encore plus marginalisé.
Bref, je suis d'accord avec mescal.

Ce que je veux dire, c'est que je comprends son absence de motivation. Il me semble qu'il y a des millions d'autres choses à faire, plus immédiatement génératrices de joie quand on sait qu'il reste si peu à vivre.
Faire la même chose que les autres ados de son âge me semble utopique : il n'en a ni les moyens physiques, ni l'énergie. Et ses centres d'intérêt sont probablement autres, dans la mesure où il ne peut pas faire de projet d'avenir.

En tout cas, Chris, je te souhaite bon courage. Ca doit être difficile de ne pas s'attacher.
J'ai croisé des auxiliaires de vie scolaire, du temps où je bossais dans un lycée. Ils font un sacré boulot !

Mon rôle, c'est l'accompagner, en permanence, au sein de l'établissement ! Dans tous les cours ! Maths, français, phsique, svt, anglais, techno...
De m'assurer que sa prise de cours soit correcte, et qu'il ait tout noté. Et sa scolarité, ce n'est pas secondaire par rapport à ma mission. Du moins si on respecte les textes à la lettre !
Alexandre m'aime bien, "parce qu'il m'aide" selon ses mots. Il est clair que par rapport à mon prédécesseur, qui affirmait à ce gamin et à sa mère "qu'il n'en avait rien à foutre de sa scolarité !"...
En plus, il est loin d'être con, ce gamin. Mais il lui manque plein de moyens... le physique déficient ayant des impacts non négligeables sur le psychique...

Et c'est vrai que je m'y attache, à ce gamin. Que je sais déjà condamné à l'aube de sa vie...

c'est quoi les textes ?

Les textes stipulent que je dois "l'accompagner en classe, et pourvoir à ses autres besoins".
Donc je dois l'emmener dans chaque salle de cours, différente à chaque heure de l'emploi du temps.
Je dois lui permettre d'aller aux toilettes, et le faire se lever du fauteuil pour cela, chose qu'il est incapable de faire seul.
Il y a aussi une prescription médicale pour qu'il reste debout un certain nombre d'heures par jour, et à laquelle je refuse de souscrire ! Je refuse de prendre le risque de le lever dans la cours de récréation, et de le voir renversé par d'autres enfants qui courent dans tous les sens sans voir les obstacles potentiels.
Par contre, je n'ai aucune obligation par rapport au contenu de l'enseignement. Mais je m'y investis, et on commence à avoir quelques résultats. Et même s'il parle mieux créole que français...

Il est très attaché à la valeur des notes ! Et après avoir obtenu un 18/20 en maths, un 17/20 en physique et un 19/20 en SVT, il était content !
Bon, je savais qu'il avait appris ses leçons. Mais il a fallu que je lui pose les bonnes questions pour qu'il soit capable de répondre. Et après avoir interrogé les enseignants, mon aide compense le tiers-temps pédagogique que l'institution n'a pas les moyens de mettre en œuvre...

Je sais bien que d'ici une dizaine d'années, il ne sera sans doute plus de ce monde !
Dois-je être toujours exigeant ? Le contraindre à faire ce que l’Éducation Nationale lui impose ?
Ou laisser aller, lui permettre tout ce qu'il veut...

Ma question : Pensez-vous que j'ai raison de m'investir dans ce gamin ?

;clap

Oui mais dans la bonne mesure pour un rôle adapté, tu n'es ni psy, ni enseignant.

Réponse : oui.
Ce qui compte c'est le présent, ce qu'il vit maintenant. L'avenir, personne ne sait, nous sommes tous mortels.

C'est un excès d'attachement affectif qui me semble dangereux, pour toi.

Oui, l'excès d'attachement affectif...
Mais tout petit moment de bonheur que je puis lui apporter...

Pas quand on sait que la mort fait partie de la vie.

Mon attachement à ce gamin est total, mais en même temps très relatif.
Je sais qu'il va bientôt mourir !
Peut-être partirai-je avant lui...
L'important n'est-il pas de donner le maximum de bonheur avant ?

T'investir oui, t'attacher non.

Ça peut sembler cruel mais là, tu parles boulot pas perso et faire une différence claire et nette est tout à fait indispensable.

C'est bien là le problème !
Je m'investis, et je m'attache !
J'ai envie qu'il réussisse sa scolarité. Parce que quand il a de bons résultats, je vois son contentement, des étoiles dans les yeux...
Et ça a beau être du boulot, l'affectif vient interférer !...

;clap

Évidemment qu'on s'attache.

Non.
Tu peux apprécier le môme à sa juste mesure mais pas t'y attacher comme tu le ferais avec un proche.

T'imagine si Hot' par exemple s'attachait à tous ses patients? (Surtout les patientes à moches soutifs et culottes. ;D)

Flibette a raison.
Dans ce genre de métier, il est important de se préserver.
Donc, bien l'aimer, d'accord, mais du style ''oui, je veux vous aimer mais vous aimer à peine, et mon mal est délicieux".

Je peux dire que les morts (et ça commence à en faire un paquet) m'ont blindé.

J'ai eu mon lot de décès aussi, mais ça me fait aimer les vivants plus encore.

Alors là, je ne suis pas d'accord. J'ai arrêté d'enseigner en 2008, et pourtant j'ai gardé le contact avec plein d'élèves sur Facebook. Ce sont eux (elles) qui m'ont trouvé, et du coup j'ai des nouvelles de leur vie ... famille, enfants ... Et avec certain(e)s il y a de véritables liens d'amitié qui se sont créés.
Apparemment j'ai laissé des souvenirs, et au fil des discussions je me rends compte que j'ai aussi contribué à leur formation intellectuelle :-)

Mescal': Etait-il prévu que tes élèves meurent à plus ou moins brève échéance?
Au moment où tu étais enseignant, avais-tu des relations amicales voire d'intimité avec eux?
Aujourd'hui te sens-tu affectivement (au sens fort du terme) attachés à eux?
Etc.

L'idée, ce n'est pas de dire qu'il faut rester absolument froid. Nous sommes humains, donc forcément qu'on "s'attache" et qu'il peut y avoir un investissement affectif.
Sauf que là, ce que je lis de Chris c'est qu'il est bien au delà de ça et qu'il est bien parti pour "aimer" (là aussi au sens fort du terme) ce gamin.
Or, il s'avère que nous parlons d'un cadre professionnel et pas du petit dernier de la famille.

S'investir trop fort au niveau affectif n'est pas sans conséquences pour soi et pour le mome.
Pour soi parce que c'est un excellent moyen d'aller dans le mur en "ramenant du travail à la maison." Ca ne signifie pas être insensible pour autant.
Ensuite pour le mome, le risque est de ne plus de se placer en tant que pro et de ne plus pouvoir tenir le rôle pour lequel on est payé: être une aide au quotidien. Chris n'est ni un grand frère, ni un tonton.

Ça m'est arrivé.
Une élève qui souffrait de mucoviscidose.
Comme on avait gardé le contact via FB, j'ai su la suite de son histoire.
Elle a entamé des étude sup, elle avait un copain ...
Et puis la joie quand elle a appris qu'elle allait avoir une greffe cœur-poumon.
L'espoir.
Puis les doutes.
Le rejet de la greffe.
Et son décès.
Je garde d'elle l'image d'un fille pleine de vie, heureuse malgré sa maladie.

Pardon Mescal' mais quel rapport avec la situation de Chris?

En tant que professeur principal de la classe j'avais eu droit à une réunion (élève, parents, médecin scolaire CPE) pour être mis au courant d sa situation médicale, et de savoir comment réagir en cas de crise grave. savoir où trouver la bouteille d'oxygène, par exemple. Les autres enseignants de l'équipe ne savaient que le strict minimum.

Une de mes filles fait ce boulot depuis deux ans, et clairement, la question du lien avec ses protégés est le point le plus difficile à gérer dans ce boulot.
Il n'y a pas assez de formation à mon avis pour les personnes (que j'admire) qui font ce travail, j'espère que la professionnalisation annoncée se fera vraiment, et bien

L'administration m'a annoncé 60h de formation à faire, que j’attends toujours. Tout comme mes bulletins de salaire d'octobre et novembre. Et tout comme les sous qui vont avec, d'ailleurs !!!  tfr84 tfr84 tfr84
Je sens que je vais péter les plombs !!!  xs10 xs10 xs10

C'est l'éducation nationale. Mais les profs sont des privilégiés.