L'amant

[vette]

La mort de l'amant remet beaucoup de choses en questions pour moi. Depuis quelques temps déjà, je m'interrogeais sur la place qu'il occupait dans ma vie et mon coeur.
Je suis assez lucide pour ne pas idéaliser après coup notre relation. Et j'ai besoin de ne pas m'en sentir veuve.
Il faut sans cesse que je me rappelle très fort que sa veuve, ce n'est pas moi. Que je me souvienne qu'il m'a dit que j'avais toujours été conséquente avec le fait que j'étais en couple, et continuer à l'être.
Je fais vivre un drôle de truc à mon homme. Je rajoute à sa peine d'avoir perdu deux fois son ami, et je ravive sa jalousie.
Je m'en veux terriblement.
Il voit bien l'étendue de mon chagrin, et c'est clair qu'il est disproportionné avec ce que je disais, et pensais sincèrement de la nature de notre relation.
Je me réserve pour plus tard d'y repenser plus sereinement, parce que je me rends bien compte que je suis trop en étât de choc pour être objective.
Je crois que je voulais qu'il m'aime plus que je ne l'aimais moi, et je trouve ça sordide. Il va falloir que je trouve quelle blessure j'essayais de guérir.
Je me réserve aussi pour plus tard de penser à ce que risque de devenir ma relation avec mon homme, à quels seront mes ressentis quand je le verrai partir chez sa maitresse, désormais.

Pour le moment, je me sens incapable de faire plus que l'évoquer.

[Camille]

Je ne sais pas si c'est le moment ou si j'ai le droit d'écrire ca mais
J'aime beaucoup ce discourt très clair et sans faux semblant 

[Cruella]

Ouah, quelques jours sans passer ici, et je lis çà ....

 :-*vette

[vette]

J'avais écrit une longue réponse. Je m'aperçois que c'est trop intime, et que ça n'appartient pas qu'à moi.
Ca concerne aussi mon homme que des gens ici connaissent, et je ne m'en sens pas le droit.

C'est difficile de raconter des choses sans aussi parler de ceux qui font partie de votre vie.
Alors ce texte, je me le garde.

J'ai promis à l'amant qu'un jour je ferais tomber mes barrières et que je me mettrais à écrire. Il m'a assez harcelée avec ça, et il s'est assez moqué de mes pudeurs littéraires.
J'ai entamé aujourd'hui un premier jet d'écriture. Je ne me demande plus si c'est bon ou mauvais. Je vais suivre le précepte de l'amant : l'important c'est de donner à lire, à voir, à entendre. L'important, c'est d'oser.
La vie en rose à ceux qui osent.
Merci Thierry.

[Rhiz]

C'est bien clair que c'est clair. Belle hommage.

[Cardamone]

Je lis...

 

[vette]

Je me réveille le matin avec la pensée que vivre dans un monde où il n'est pas, c'est trop triste.

Ces derniers jours ont été riches d'enseignements pour moi.
Tout d'abord, les funérailles, où j'ai rencontré sa copine. Difficile moment. Il disait vrai, on se ressemble, et on a plein de points en commun.
Physiquement, c'est flagrant, et de profil, on pourrait nous confondre. Plein de gens nous ont confondues, d'ailleurs.

Moment très difficile. Elle s'est présentée comme sa dernière compagne, et c'est elle qui avait tout organisé. Elle a même offert une rose à toutes les ex qui étaient présentes.
Son fils et elle avaient préparé une vidéo qui retracait son parcours. Ses peintures, ses musiques, et aussi les dernières photos qu'elle avait prises de lui, d'eux ensemble en train de chanter, de jouer de la guitare. Quand est passée la dernière chanson d'anniversaire qu'il m'avait faite, j'ai cru que mon coeur allait exploser.
Sa voix me faisait mouiller de son vivant, et je me suis aperçue qu'elle me fait toujours le même effet.

Puis, on s'est retrouvés chez lui, et j'ai passé l'après midi à parler avec elle. Elle m'a dit sa jalousie à mon égard, et expliqué toute la pression qu'elle lui mettait pour qu'il arrête de me voir. Elle m'a dit aussi qu'elle m'avait diabolisée et que toute la haine qu'elle avait envers moi s'envolait en me voyant parce que du coup, elle comprenait mieux pourquoi on était si amis.

Elle était en état de choc, et je pense qu'elle voulait se l'approprier post mortem plus qu'elle n'avait réussi à le faire avant.
Ils avaient parait-il envisagé qu'elle déménage pour se rapprocher géographiquement de lui, qu'ils avaient rêvé sur le fait de prendre ensemble une grande maison pour y habiter chacun un étage.

Alors, forcément, les derniers mots échangés avec lui la dernière fois qu'on s'est vus prennent une autre importance. Je suis heureuse de tout ce qu'on s'est dit, mais aussi horriblement frustrée de tout ce qui est resté en suspens.
J'essaie de me dire très fort que ça n'a plus d'importance maintenant, que de toute façon, j'étais allée le voir pour rompre. Mais mes pensées tournent en boucle, et reviennent sans cesse à la surface, quoi que je fasse pour les chasser. Les mots qu'il a utilisés pour m'expliquer pourquoi il avait envie, lui, de continuer, même s'il était moins dispo.
Et  ce qui revient le plus, c'est son long silence, même si ce n'était pas le premier.
Je me revois espérer un coucou sur msn.
Il y a quelques jours, je l'ai viré de mes contacts. Je ne supportais plus de le voir apparaître ''hors ligne''.

J'ai demandé à sa cops de jetter notre sac à sexeccessoires. Je ne voulais pas qu'il tombe entre d'autres mains.
Exit les godes, les gants, la pompe, etc ....

Je ne veux plus me souvenir que de son dernier orgasme avec moi, de sa tête posée sur ma cuisse, tout de suite après.

Depuis, je n'ai plus réussi à jouir. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé. J'arrive à être très exitée, mais au dernier moment, à chaque fois, je n'arrive pas à me lacher.

On a beaucoup parlé aussi, mon homme et moi. Je lui suis reconnaissante d'être présent, attentif et solidaire. Il m'aime, et je ne suis pas sure d'arriver à le lui rendre à la hauteur de son désir. Mes amies me soutiennent aussi. Elles vivent des choses difficiles en ce moment, et néamoins, elles sont là pour moi.
Je pense partir quelques jours à Marseille pour les voir et essayer de diluer ma peine dans d'autres lieux moins chargés de souvenirs et de regrets.

Ce qui est sur, c'est que j'arrive à ne pas idéaliser ce que fut notre relation. Je reste malgré tout lucide, et je connais trop bien aussi son côté obscur pour ne pas le faire.
J'ai fini par comprendre qu'il a longtemps espéré plus de moi et qu'il avait renoncé. Il y a beaucoup de choses qu'on ne s'est jamais dites parce que j'étais en couple et qu'il a toujours respecté ça et respecté mon homme.
On s'est dit plusieurs fois ''je t'aime'' mais uniquement quand on était trop alcoolisés. Le pire, c'est qu'après, je ne m'en souvenais plus.

Une nuit où on se l'était dit, je me suis réveillée le matin persuadée de l'avoir rêvé. Et ce rêve m'a longtemps troublée et fait rire aussi. Je me disais que j'avais vraiment des rêves cons.
Quelques temps plus tard, je lui en ai parlé, pour le faire rire. Et c'est lui qui m'a dit que ce n'était pas un rêve et que ça n'avait pas été la seule fois. Il était triste que je ne m'en souvienne pas.

Et maintenant, je m'en veux, même si je sais bien au fond de moi que ça n'aurait rien changé.

[Nana]

C'est toujours difficile d'admettre que si on est que la seconde, c'est parce qu'on avait choisi cette place 

[Chrisdedax]

Au lire de tes propos, tu as commencé un travail de deuil qui prendra sans doute du temps. C'est une étape nécessaire, qui te permettra d'estomper les souffrances et de ne conserver en mémoire que les moments de passion et de plaisir.
En attendant, n'oublie pas que tu es vivante, alors vis ! Et ne t'enferme pas dans la douleur.

[Hotllywood]

Tu mixes les deux dernières réponses et tu obtiens la mienne.
J'aimerais aussi dire un truc con, enfin con peut etre pas pour autant qu'il te serve à quelque chose un jour: attention de ne pas sanctifier les morts. Se souvenir du positif de ce qu'on a vécu avec eux n'est pas magnifier ce qu'ils furent.

 

[vette]

Je ne sanctifie pas, Hot, même si la tentation m'en est venue. Trop lucide pour ça.
Cet homme, je le connaissais depuis quatorze ans, il était mon amant depuis dix. C'est assez de temps pour connaitre tout aussi intimement ses côtés obscurs, ses contradictions, ses défauts. Assez de temps pour ne plus en être à la phase de séduction-découverte.
Je pense qu'il était bi-polaire et j'ai parfois aussi été la cible de ses crises.
Je sais aussi que jamais au grand jamais je n'aurais quitté mon homme pour lui. Je n'ai jamais souhaité l'exclusivité avec lui, ni dans un sens ni dans l'autre.

A l'automne encore, j'en étais à me dire qu'il fallait que je me libère des deux pour pouvoir passer à autre chose.

Et je ne suis pas du tout sure que j'aurais réussi à le faire. Ce goût d'inachevé ..... et l'amertume de ne pas avoir vécu les choses jusqu'au bout, de ne pas avoir tout dit et surtout de ne pas l'avoir entendu, lui.
Chacun respectait tellement la liberté de l'autre!

Sa dernière compagne dit être une conquérante. Elle était en train, à ses dires, de le changer, de l'amener là où elle voulait qu'il aille. Et ça, ça me tord les tripes. Je ne pense pas qu'il l'aurait accepté sur du long terme, et tous les gens qui le connaissaient disent pareil. Ils ont tous été choqués par la manière qu'elle a eue de le re-tricotter à sa sauce. Surement une réaction de chagrin.
Moi, je me dis qu'il était bien las et bien triste pour accepter ça, comme s'il avait fini par baisser les bras et  se laisser porter. Une forme de capitulation. Et ça, ce n'est pas  lui.

[Chrisdedax]

Tomber sur un manipulateur ou une manipulatrice, ça peut arriver à tout le monde. J'en sais quelque chose. Ces personnes ont l'art de vous amener progressivement à adhérer à leurs vues, par petites touches, avec une argumentation ponctuellement incontestable. Petit à petit, on abandonne sa libre réflexion, pour finir par ne penser que par l'autre. Et il est difficile d'en prendre conscience, et encore plus difficile de se rebeller pour se retrouver soi. Personnellement, ça m'a pris près de 20 ans.
Tes propos m'amènent à penser qu'il avait affaire à ce type de personne.

[vette]

Je n'irais pas jusque là.
Je pense qu'elle en rajoute maintenant, parce qu'elle a besoin de ça pour faire son deuil. Et il y a probablement une part de vrai dans ce qu'elle dit.
Je sais aussi que ces derniers mois ils ont beaucoup festoyé. Et je sais que ces excès n'ont pas arrangé son étât de santé.
Pour ses funérailles, ils ont passé une vidéo où on voit de façon très nette l'effet zoubrovska. J'avais l'impression de voir l'arme du crime, et c'était insupportable. Mais c'était son choix à lui, personne ne l'a forcé.
Je pense aussi que son manque affectif était tel qu'il était prêt à n'importe quoi.
J'espère juste que ça lui a été doux.
Mais je ne peux pas m'empêcher de m'en vouloir de ne pas avoir été plus présente ces derniers mois. Tout ce temps où je me sentais partagée entre la jalousie de mon homme, mon envie de le voir lui, et les rejets aussi que j'ai faits de lui.
Je me dis que j'aurais dû être plus clairvoyante. Une image me hante : après l'été, quand je l'ai revu après ma longue absence.
Il s'est levé quand je suis entrée. Il avait fait un effort vestimentaire et il était très beau. Il a eu un sourire très doux, je me suis approchée de lui et il m'a prise dans ses bras en disant ''ça faisait longtemps, nous deux".

[Chrisdedax]

Que tu aies des regrets, je le conçois et le comprends. Regrets de présence, regrets de non-dits. Mais il ne faudrait pas que ces regrets deviennent des remords...
Show must go on, la vie continue

[Cruella]

Lu